I was young and fool [Adrian]

I was young and fool

Aujourd’hui était un jour banal, comme il en était des centaines avant lui, s’il on exceptait ce qui se passait à l’extérieur. La matinée de Triss avait été ponctuée de quelques cours, lui laissant le reste de la journée libre. Cela n’était pas pour lui déplaire, car bien qu’elle aimait son métier et ses élèves, elle n’était jamais contre un moment de calme. Ces moments devenaient de plus en plus rares au fur et à mesure que les entraînements s'intensifiaient, mais elle n’y dérogeait jamais. Si elle arrivait à maîtriser ses pouvoirs, elle était loin de savoir se battre ou se défendre convenablement, tout simplement car elle n’y avait jamais été directement confrontée. Jusqu’ici, la mutante avait toujours préférée s’écarter du moindre affrontement, ou de la moindre rixe, que ce soit pour sa survie ou pour sa réputation. Elle n’avait aucune envie d’être fichée comme “mutante à risque” ou autre chose de plus handicapant. C’était une pacifiste dans l’âme, peut-être même un peu trop.
Les premiers entraînements avaient été difficiles et plutôt intenses, celui de la veille lui avait d’ailleurs laissé des traces capillaires : comme à chaque fois qu’elle utilisait ses pouvoirs -du moins ces derniers temps-, ses racines avaient pris une magnifique couleur verte, contrastant avec sa couleur naturelle. Autrefois cette particularité l’aurait gênée et complexée, mais aujourd’hui elle en était plutôt fière, tout comme de sa mutation.

Son repas avait été avalé rapidement, quelques bouchées avaient suffis à la rassasier. Non pas que la nourriture ne soit pas mangeable -ce qui était très souvent le cas dans certaines cantines-, mais il en avait toujours été ainsi. Triss n’était pas une grande mangeuse, n'avalant que par nécessité la plupart du temps, ce qui expliquant sans doute sa corpulence peu imposante. Elle préférait s’adonner à des activités qu'elle jugeait plus intéressantes et plus utiles, dont la lecture, une de ses grandes passion après l’herboristerie. Et aujourd’hui ne dérogeait pas à cette règle.
Un livre dans sa main gauche, sa main droite posée sur sa sacoche en bandoulière -qui contenait tout le nécessaire du parfait alchimiste-, la jeune femme sortit du réfectoire et déambula dans les couloirs. Elle était plongée dans sa lecture, ne faisant pas attention à ce qui l’entourait. Elle connaissait parfaitement son chemin la menant à la bibliothèque, pour l’avoir fait des centaines et des centaines de fois. Elle ne se souciait donc pas de l’endroit où ses pas la menait. La seule chose qui pouvait perturber sa petite bulle, c’était un obstacle non désiré sur sa route.

Zbam !
Triss n’eut pas le temps de se rendre compte de ce qui se passait autour d’elle que son livre s'écrasait déjà contre son nez. Sous la surprise, elle eut un mouvement de recul et reprit rapidement ses esprits en secouant sa tête. Ses yeux s'écarquillèrent quand elle comprit qu’elle venait de rentrer droit contre Adrian et ne put s’empêcher de lâcher un magnifique :

-Oh merde.

Elle sentit ses joues chauffer sous la gêne et savait déjà que son visage était désormais aussi rouge qu’une tomate. Elle se racla la gorge et se força à sourire, tentant de se détendre comme elle pouvait.
Il y avait quelques années, la miss c’était déjà ridiculisée face au mutant et elle n’avait pas vraiment envie de se remémorer cette piteuse scène durant laquelle elle s’était montrée particulièrement… Lourde ? Chiante ? Peu importe le terme, elle préférerait l’oublier et l'enterrer. C'est pour cela qu'elle tentait tant bien que mal de se tenir loin d'Adrian depuis son arrivée à l'Institut.

-Euh… Je veux dire.. Salut ! Et euh… Désolé, je ne t’avais pas vu.

I was young and foolish

C’était une journée relativement tranquille pour Adrian. Il n’avait que trois cours, et le reste de sa journée allait être consacrée à la mise en place de nouveaux cours en plus de corriger des copies. Alors bien que tranquille, sa journée allait être pleine de travail. Il avait pris le temps de manger à l'extérieur et était désormais de retour à l’institut, perdu dans ses pensées, commençant déjà à chercher de nouvelles idées pour ses cours. Parce que contrairement à ce que certains peuvent penser, préparer un cours ne se fait pas d’un claquement de doigts, ça se prépare. Il regardait ailleurs et n’avait pas vu la jeune femme qu’il percuta. Ca eu l’effet de lui faire perdre son fil de pensée. Triss avait rougit en moins de deux. Une tomate qui contrôle les plantes, très original.

“j’t’avais pas vu non plus. Ca va?”

Il n’était pas fan de la jeune femme, disons que leur première rencontre avait été plutôt gênante. Et depuis, ils avaient plutôt joué à s’éviter. Oui, ils étaient deux adultes très mature qui gérait leur gêne comme ça. Mais bon, c’est jamais très agréable de se faire draguer par quelqu’un qui refuse de comprendre que vous n’êtes pas intéressé. Comme quoi, il n’y a pas que les mecs qui savent être lourd elle en était la preuve. Et l’alcool n’excuse pas tout. Contrairement à ce que certains semble penser. Mais bon, ils ont tous deux survécus, tout va bien. Plus d'embrassement que de mal.

“Toujours aussi rentre dedans je suppose.”

Blague-t-il de façon un peu bancale. En même temps la blague est plutôt appropriée à la situation selon lui. L’humour, c’est aussi un excellent moyen de gérer à peu près tout. Surtout dans des moments un peu compliqué. Et c’était difficile d’oublier cette soirée où ils s’étaient rencontrés. La jeune femme était certes très jolies, probablement qu’elle le savait d’ailleurs, mais draguer un homme gay n’avait sûrement pas été son plus grand moment de gloire.

I was young and fool

Depuis cette fameuse soirée, la jeune femme avait plutôt bien réussie à éviter Adrian. Cela avait été néanmoins un peu plus difficile depuis son arrivée en tant que professeure à l’Institut Xavier, les deux collègues travaillant et vivant sous le même toit. Le bâtiment était assez grand pour leur permettre de prendre des chemins opposés ou se glisser dans une des nombreuses pièces. S’éviter pour éviter la gêne avait été une stratégie assez payante ces derniers mois… Jusqu’à maintenant. De toute façon, cela devait bien arriver un jour ou l’autre : ils n’allaient pas pouvoir s’éviter l’un et l’autre at vitam aeternam. Au final, ce n’était pas si mal, quand on y réfléchissait bien : une fois le malaise passé, peut-être réussiront-ils à communiquer sans repenser à l’attitude désastreuse de Triss.

Cette dernière tentait tant bien que mal de se détendre, mais elle ne pouvait s’empêcher de repenser à l’image qu’elle avait dû laisser d’elle il y a quelques années. La fête, l’alcool… Tout cela avait fait un mélange bien étrange dans l’esprit de la mutante qui n’avait, pour la peine, jamais réitérer l’expérience. Par honte ou par timidité, au choix.

-Oui, oui, ça va.

Elle serra entre ses doigts la couverture en cuire de son livre et osait à peine regarder Adrian dans les yeux. Sa réponse avait été dite dans la précipitation, signe de sa nervosité ridicule. Triss prit un temps pour reprendre lentement un respiration normal et se décrispa petit à petit. On aurait dit une véritable adolescente perturbée pour un rien !

-Toujours avec la mauvaise personne, apparemment.

Ses joues prirent une couleur à nouveau normale et un sourire amusée se dessina sur ses lèvres. Le mutant avait raison, l’humour était parfois le meilleur des remède et la meilleure façon de détendre l’atmosphère. La jeune femme n’était pas la personne la plus rigolote au monde, mais parfois elle se laissait aller bien volontiers. Il faut dire qu’elle était souvent vue comme la petite intello de service, toujours plongée dans ses bouquins, dans ses fleurs, un peu associable. C’était assez vrai, en réalité, mais elle n’était jamais contre un peu de contact humain; dans la limite du raisonnable, bien sûr !

-Tu as dû me prendre pour la fille la plus ridicule de la terre, ce soir-là, lâcha-t-elle plus sérieusement.

“Ce soir-là”. Pas la peine d’en dire plus, tous les deux savaient de quel soir il s’agissait, même si cela remontait à plusieures années maintenant.