the sound of your heart beating

Ce qui frappe chez Artie, à la première impression, c’est ce calme apparent qui semble suivre le jeune homme partout sur son chemin. Ce calme, Artie en a besoin pour sa propre santé mentale : pour lui, le bruit n’est pas seulement une manifestation de son audition mais une expérience multi-sensorielle qui peut vite le dépasser s’il ne baisse pas le son instinctivement autour de lui. Ainsi, aux premiers abords, Artie peut avoir l’air d’être un jeune homme discret et réservé – mais il n’en est rien, car quiconque connait le jeune homme sait qu’il s’agit en réalité d’une véritable petite pile électrique ! Débordant d’énergie, le jeune mutant ne tient pas en place et s’épanouit dans un train de vie effréné qui ne lui accorde que peu de repos. Artie, c’est aussi un jeune homme passionné, habité par un profond sens de justice sociale. Ce qu’il a vécu, il sait des milliers d’autres gamins le vivent encore au quotidien à travers tout le pays ; et il est bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir, à son niveau, pour apaiser la douleur et la haine de soi qui accompagnent une éduction endoctrinée. Gaffeur et rêveur, il reste au fond de lui un gamin aux grands yeux ronds capable de s’émerveiller de la beauté simple du monde qui l’entoure et de ses explosions colorées qui caractérisent sa vie. Au fond, Dieu ne l’a pas maudit ; ce qu’il peut voir tient plutôt d’un petit miracle.

Artie est né à Camden, petite ville dans le New Jersey bordée par le fleuve Delaware. Issu d’un milieu modeste, dans une famille très catholique au sein d’une communauté elle-même profondément religieuse, le jeune garçon a rapidement compris qu’être différent ne serait jamais célébré dans ce petit monde bien étriqué. Ses parents n’avaient de cesse de leur rappeler, à lui et son frère, ce qu’ils attendaient d’eux : de bonnes notes, une conduite exemplaire, et surtout, surtout, pas de vague.
Son enfance se passa sans accroche. Chaque dimanche, il se rendait à la messe avec le reste de sa famille et priait pour tout un tas de choses, comme la sainteté du mariage entre un homme et une femme, ou la libération de la perversion génétique que représentaient le nombre grandissant des mutants. Ses parents lui apprirent l’amour autant qu’ils le conditionnèrent à la haine.

Une haine rapidement internalisée quand, à la puberté, le jeune garçon réalisa les sentiments impurs qu’il ressentait pour son meilleur ami. Un amour de jeunesse que l’enfant ne parvint jamais à avouer, encore moins à lui-même, en plein déni sur la personne qu’il était en train de devenir.
Mais il y a des parts de soi que l’on ne peut dissimuler avec autant d’efficacité. Comme tous ces verres qui semblaient se fendre avec une effarante régularité à chaque fois qu’il prenait la parole, à table. Comme ces troubles visuels grandissants, lui faisaient imaginer des cascades colorées là où d’autres ne voyaient que le boucan des pots d’échappement. Et comme cette explosion, fatale, qui se manifesta alors qu’il hurlait à plein poumons contre son frère.

Dépassé par sa colère, Artie n’avait senti que trop tard l’énergie emplir ses cordes vocales et se déverser dans sa chambre avec la puissance d’un ouragan. Sa voix, aux vibrations amplifiées par des milliers d’ampères, fit briser en éclats toutes les fenêtres de la maison et fissurer le mur de la façade. En première ligne de la détonation, son frère fut projeté contre la porte de la chambre et perdit connaissance, des acouphènes accrochés aux tympans pour les six mois suivants.
Plus de doute possible, Artie était un mutant au plus grand désespoir de ses parents. Son père l’emmena consulter de nombreux spécialistes, espérant pouvoir guérir son fils de cette malédiction placée par le Diable lui-même sur leur foyer, mais personne ne pouvait rien pour lui. Un ORL compatissant, atterré par le comportement de ce père dégouté par son propre fils, annonça qu’intervenir sur les pouvoirs d’Artie serait similaire à lui mutiler les cordes vocales, et qu’il était tout bonnement inhumain d’envisager ce genre de pratique barbare.

Mais l’idée ne quitta plus jamais Monsieur Wheeler. Artie n’avait que quinze ans quand il se réveilla en hurlant avec l’impression de se noyer dans sa propre bouche. Par-dessus lui, son père achevait de faire glisser la lame contre sa trachée, sectionnant définitivement ses cordes vocales.
Égorgé, la survie du jeune mutant jusqu’à l’hôpital, après que sa mère ait appelé une ambulance, teint du miracle. Les chirurgiens qui s’occupèrent de lui parvinrent à lui sauver la vie, mais ne purent le sauver du mutisme imposé par ses cordes vocales trop endommagées pour produire d’autres sons que de vagues râles douloureux.

Artie ne revit plus jamais son père. Pris en charge par les services sociaux, il fut pendant quelques temps placé en foyer. Il se souvient peu de ces quelques mois de sa vie, pendant lesquels il plongea dans un état dépressif qui le rendit léthargique. Persuadé que sa vie était terminée, il pensa plusieurs fois à précipiter sa propre fin, sans jamais parvenir à s’y résoudre.
Ce furent les couleurs qui lui sauvèrent la vie. Semblant s’être endormi suite au traumatisme subi, son pouvoir finit par refaire surface alors qu’il avait seize ans. Les avalanches de couleurs incroyables et de magnifiques textures qu’il était le seul à percevoir à l’écoute de symphonies lui réapprirent à voir la beauté du monde qui l’entourait.

Quelques mois plus tard, il fut contacté par les recruteurs d’une étrange école. Un certain Jackson lui promit que s’il les rejoignait, il ne serait plus jamais seul. Alors Artie prit la meilleure décision de sa vie et laissa derrière lui sa peine et sa haine. Il devint élève de l’Institut Xavier.  
Au sein de ses frères mutants, une nouvelle vie commençait pour le jeune homme muet. S’épanouissant peu à peu dans cet environnement d’acceptation et de tolérance, il développa rapidement ses pouvoirs de manière insoupçonnée. Si son père lui avait volé toutes les perspectives que lui offraient sa voix, il ne l’avait pour autant pas réduit au silence : Artie découvrit qu’il pouvait recommencer à parler à réutilisant les sons ambiants pour créer des mots de toute pièce. Au début, la pratique était épuisante ; mais il parle aujourd’hui comme n’importe qui ; à la différence près que sa voix ressemble souvent comme deux gouttes d’eau à celle de la personne avec qui il converse.

Bien des années ont passé et, grâce à l’Institut Xavier, Artie n’a plus rien de ce petit garçon effrayé. Véritable militant de la différence et de la tolérance, Artie est fier d’être un mutant, presque autant qu’il est fier d’appartenir à la communauté LGBT. Fraichement diplômé d’un master en psychologie, il a décidé de vouer sa carrière à l’accompagnement des jeunes mutants à l’Institut Xavier, espérant pouvoir donner aux élèves de cette école qui l’a sauvé autant qu’elle n’a fait pour lui.