More than a teacher [Cleo]

La vie reprenait peu à peu son cours à l’Institut Xavier, alors que le deuil pesait dans le cœur de tous les mutants. Cleo faisait forcément parti des personnes touchées par l’événement. Elle avait la rancœur lourde, mais surtout, elle savait que c’était ce qui les attendait tous. Cleo n’avait jamais été fan du recensement, elle n’était pas dupe et savait que ce n’était qu’un moyen pour le gouvernement de créer une « liste de la mort », comme elle aimait l’appeler quand elle racontait ses théories à sa meilleure amie, Juliet. Suffisait de voir comment tout avait changé depuis l’apparition officielle des mutants dans le monde, les manifestations qui augmentaient et les lois qui ne cessaient de se durcir. Pourtant, Cleo, malgré toutes les horreurs que le monde humain lui réservait, elle ne regrettait pas son pouvoir. Même si elle aurait préféré un truc plus stylé comme… Comme changer d’apparence, ou comme savoir créer le feu, tiens… Ouais, ça aurait été carrément plus cool. Le fait était que son pouvoir lui allait quand même, même si elle n’en comprenait pas encore la moitié, même s’il semblait qu’elle était née pour faire souffrir les autres. Elle était fière d’être différente, fière de pouvoir se battre pour sa cause. Mutant et fier de l’être.

Si la plupart des mutants présents à l’Institut passaient le plus clair de leur temps dehors, avec la température qui s’adoucissait de plus en plus en ce milieu de printemps, à foutre des ballons dans des paniers ou à bronzer à même la pelouse, Cleo passait, elle, son temps dans la bibliothèque. Elle était sans arrêt à la recherche de nouvelles informations à propos de son pouvoir, ce qui voulait dire qu’elle avait son nez plongé dans les bouquins de médecine à peu près… Tous les jours. Enfin, tout le temps, sauf quand Juliet venait la prendre en otage. « Pour ton bien », qu’elle disait. Elle, elle pensait surtout que son bien, c’était anticiper ses futurs pouvoirs, mais bon.

Elle avait encore du mal à contrôler certains de ses tics que son pouvoir lui infligeaient, on pouvait parfois la voir en train de rapidement cligner des yeux, ou même faire un geste brusque qu’elle n’aurait pas contrôlé le moins du monde. Mais surtout, quand elle voyait ce que son pouvoir avait fait à son père… Alors, elle ne l’appréciait plus particulièrement, son père, mais elle ne souhaiterait à personne de finir le visage à moitié paralysé. Et encore moins à elle. Elle vivait dans la peur constante que ça lui arrive, et elle avait pas envie de devenir… Ca. C’était donc important pour elle, de se renseigner, au moins comprendre la partie scientifique de ses dons pour tenter d’extrapoler tout ça au format mutante surpuissante, enfin vous connaissez la chanson.

Et elle avait de la chance, Cleo, parce qu’elle avait sa petite référante, en somme. Triss, qu’elle aimait bien appeler « Prof », comme ce nain dans Blanche Neige, juste parce que… Bah, parce qu’elle était prof, quoi, fallait pas voir plus loin que ça. Et Triss, elle était pas seulement prof, elle était carrément prof de sciences. Ouais, ça tombait à pic. Elle allait la voir à chaque fois qu’elle avait des questions, à chaque fois qu’une ligne lui posait problème dans un de ses bouquins (et c’était relativement souvent, parce qu’elle avait clairement pas fait médecine). Comme là.

« Hein ? » S’était-elle exclamée un peu fort dans la bibliothèque. Elle avait relu sa phrase déjà cinq bonnes fois, mais plus elle la lisait, et plus son sens semblait impossible à déchiffrer. Alors elle fit comme elle avait l’habitude de faire : elle se leva, attrapa le livre, laissa tous les autres en plan, et se barra de la bibliothèque.

Son doigt empêchant le livre de se fermer, elle avançait d’un pas déterminé jusqu’à la salle de classe de McGraw, où elle espérait vraiment la trouver. Elle ne fit même pas l’effort de dire bonjour aux gens polis qu’elle croisait, la phrase de son bouquin se répétant juste en boucle dans sa tête. Elle n’en pouvait plus, de devoir tout le temps compter sur la science, alors qu’elle n’avait jamais été très douée en la matière.

Quand elle vit la porte de la salle entrouverte, Cleo sourit automatiquement. Triss était là. Elle frappa à la porte pour signifier sa présence, mais n’attendit pas pour rentrer. Elle n’attendait jamais. Elle ne fut pas non plus choquée du nombre incroyables de bouquins posés sur le bureau, sa table à la bibliothèque était décorée de la même manière. Triss et Cleo, elles se ressemblaient à ce niveau là, au détail près qu’au moins, Triss, elle, elle comprenait ce qu’elle lisait.

« J’te cherchais, Prof ! » Comme si elle avait besoin de le préciser, elle devait avoir l’habitude maintenant. « Regarde, j’ai trouvé ça ! »

Cleo posa son livre au-dessus des autres, et l’ouvrit directement. Elle fila son doigt entre les lignes avant de finalement retrouver ce qui l’intéressait. Ce livre s’intéressait tout particulièrement aux nerfs optiques, un aspect nerveux que Cleo n’avait jamais envisagé avant, et pourtant on y retrouvait un point important pour elle : le rapport aux nerfs. Alors, peut-être qu’elle se faisait des idées, comme elle s’en faisait déjà pas mal concernant ses pouvoirs, elle lisait quelque chose et s’imaginait que son pouvoir grandirait jusque là. Alors que, si ça se trouvait, elle avait déjà épuisé toutes ses ressources et aucun sous don ne lui arriverait plus.
Elle présenta un petit paragraphe à Triss, avec un schéma du système nerveux optique qu’elle avait eu du mal à comprendre à cause de ce système « miroir » du cerveau.

« Là ! Regarde, tu crois que ça veut dire que je pourrais rendre les gens carrément aveugles ? » Elle s’inquiétait, Cleo, et c’était normal. « Ou même que je me rende moi-même aveugle ? Non, parce que j’ai pas vraiment envie. Mais j’arrive pas à comprendre, ça peut bien se rompre, un nerf, non ? C’est trop compliqué... » Elle fit la mou, avant de finalement s’asseoir sur la chaise que Triss venait de laisser vide. « T’es complètement barge d’avoir passé des années dans des études de sciences, c’est beaucoup trop compliqué. »

( Pando )

Le silence qu’instaurait la lecture sérieuse de Triss ne faisait que de faire d’autant plus paniquer la pauvre Cleo, à tel point qu’elle leva sa main jusqu’à ses dents pour en triturer les ongles. Elle avait toujours été assez nerveuse, Cleo, ironie du sort, quand on y pensait. C’était à cause de son pouvoir, en plus, il la faisait de plus en plus paniquer au fil de ses lectures, car elle se rendait compte de la force qui pourrait se trouver en elle. Pourrait. Elle n’était pas certaine que ses capacités puissent aller plus loin que celles qu’elle maîtrisait déjà, et pourtant, elle se bouffait la vie (et les ongles), rien qu’à la pensée de l’inévitable. Fallait dire que le contexte actuel ne l’aidait pas vraiment : Tyler Murphy n’avait pas su contrôler ses pouvoirs, et il en avait payé le prix fort. Alors, ouais, Cleo, elle avait bien peur de commettre ce scénario à son tour un jour aussi. Si aucune flamme ne jaillissait de son corps contrairement à certains, Cleo resterait fortement suspecte si, un jour, elle était encerclée de policiers en train de souffrir le martyr alors qu’elle serait la seule sur les lieux à aller bien. Après tout, un pouvoir n’avait pas besoin d’être visible pour être dangereux.

Et là, comme bien souvent, Cleo attendait le verdict que Prof allait lui donner, une légère boule au ventre qui ne cessait de grossir, grossir et grossir alors que les yeux de Triss suivaient les lignes du bouquin. Elle avait peur, Cleo, et c’était plutôt normal. Peur de ce qu’elle pouvait faire aux autres, et peur de ce qu’on pourrait lui faire si elle allait trop loin. Elle aurait largement préféré un autre pouvoir, la pauvre métisse, comme celui de sa meilleure amie. Ca semblait plutôt cool, l’umbrakinésie, beaucoup plus inoffensif, surtout. Au moins, elle, elle n’avait jamais fait de mal à ses proches, aux gens qu’elle aimait, sans le vouloir.

Elle souffla finalement à sa première réponse, alors que, même si elle ne l’aidait pas sur le coup, elle détendait l’atmosphère. Tout ce dont Cleo avait besoin. Elle laissa alors finalement ses ongles tranquilles, les mettant derrière son dos pou éviter de trop les abîmer. Non, effectivement, Cleo ne s’attaquait pas au morceau le plus simple de la science. Jamais, à vrai dire. Mais elle avait ses raisons : elle cherchait à comprendre les principes les plus complexes des terminaisons nerveuses pour tenter d’empêcher le pire. Elle préférait se préparer à quelque chose de terrible qui ne se produirait jamais qu’être prise au dépourvu par un pouvoir plus grand qu’elle. Et sincèrement, c’était tout à son honneur. Même si ça impliquait le fait de venir embêter Triss dans ses propres recherches.

Elle fut seulement délivrée (et encore, partiellement), quand la belle professeure lui assura qu’elle n’allait pas forcément rendre d’autres personnes aveugles. « J’ai pas… J’ai pas envie de faire du mal. » Elle s’affala un peu plus sur la chaise, une petite moue au visage. Elle avait peut-être un air un peu plus gamin que d’habitude, Cleo, mais fallait dire que toutes ses peurs faisaient ressortir son côté innocent. Elle était aussi jalouse du pouvoir de Triss, qui faisait carrément vivre, elle, à l’inverse de son élève. Cleo tourna la tête après le coup de la porte, assez tôt pour voir la branche d’une plante non loin rétrécir à une taille convenable. Ouais, ça semblait largement plus cool que son fardeau à elle. « T’as déjà eu des accidents, avec ton pouvoir ? » Demanda alors curieusement la métisse, comme si elle avait besoin d’être rassurée et de comprendre que son cas n’était pas grave.

( Pando )