Ainsi font, font, font (libre)

Cleo ne sortait pas beaucoup de l’Institut depuis qu’elle y avait mis les pieds, et ce pour une bonne raison : elle ne s’était jamais faite recenser. Au contraire, dès que ses parents avaient émis l’idée de la recenser une bonne fois pour toute, elle s’était barrée de la maison pour rejoindre les autres mutants. Mais il y avait certains cas de force majeure, et parfois moins que ça. Elle était déjà sortie en ville pour aller à la banque, juste parce que l’un des New Mutants avait besoin d’aller retirer du liquide, ou une connerie du genre. Elle était assez tranquille, ce jour là, Cleo, puisqu’elle se disait que, si les sentinelles arrivaient, elle aurait ses compagnons pour l’aider à se défendre. Bien qu’elle n’avait aucune idée de si les autres étaient recensés ou non. Enfin, bref, tout était quand même parti en vrille, et même sans les machines de Trask Industry : des braqueurs, des putains de braqueurs étaient venus pour empocher le pactole. Fallait vraiment que ça tombe sur elle, comme d’hab. Ils avaient du se démerder pour faire sortir tout le monde et les maîtriser, sauf qu’ils étaient tous… un peu novices. Même s’ils voulaient bien faire, ils n’avaient pas forcément la logique assez présente en eux pour créer des plans redoutables contre leurs ennemis. Encore moins avec Lara dans l’équipe, elle qui voulait tout le temps foutre le feu à tout le monde. A croire qu’elle avait le syndrome Jeanne d’Arc, l’autre.

Mais cette fois là, Cleo était toute seule. Alors forcément, elle était un peu anxieuse. Chaque visage qu’elle croisait, elle avait l’impression qu’il la fixait, comme si tout le monde savait qui elle était, comme si tout le monde savait qu’elle avait des dons, des dons qu’elle refusait de faire légalement découvrir au monde. Elle était obligée de sortir, pourtant, et elle n’avait pas osé demander à qui que ce soit à l’Institut. Fallait avouer qu’elle n’avait pas énormément de grosses amitiés, là-bas, ou alors, elle avait peur que les personnes qu’elle considérait comme ses amis ne la considèrent pas de même en retour. Alors, comme souvent, elle préférait tout faire de son propre chef. Surtout que, là, elle était partie chercher un cadeau pour sa meilleure amie, pour fêter leur amiversaire. C’était clairement niais, c’était pas ultra le genre de la maison, mais elles fêtaient ça depuis des années, et Cleo ne voyait pas pourquoi le fait de vivre recluses à l’Institut devrait les empêcher de faire perdurer cette tradition que Juliet avait débuté.

Elle filait donc dans les rues commerçantes de New York, rentrant dans les magasins qui lui plaisaient le plus à la recherche de la perle rare. Elle savait déjà ce qu’elle voulait, Cleo, elle voulait un truc aussi niais que cette tradition, quelque chose qui plairait alors forcément à sa meilleure amie. Une bague, tout simplement, une belle petite bague qui représenterait un soleil, la façon même dont Cleo avait pour habitude de percevoir la jolie blonde. Un soleil, la chaleur à l’état pur. Oui, ce serait parfait.

Mais c’était sans compter sur son angoisse qui grossissait, et sur son pouvoir qu’elle peinait à contrôler. Alors qu’elle continuait de passer entre les magasins, Cleo fut prise de quelques spasmes. Ca lui arrivait, parfois. Ca ne faisait que l’agacer (au moins, l’agacement lui faisait oublier l’anxiété, à force). La manipulation des nerfs, comme don, c’était une sacrée plaie. Elle avait souffert la moitié de sa vie de douleurs neuropathiques à cause de ça, elle avait encore des problèmes pour contrôler ces fameux spasmes même si la situation semblait s’arranger de jour en jour tant qu’elle était en paix… Le plus dur, c’était d’avoir du mal à s’entraîner. Son pouvoir, il infligeait littéralement la souffrance. Alors, on trouvait pas des cobayes très facilement. Y’avait bien la salle des dangers, mais c’était pas forcément comparable, et surtout, Cleo ne pouvait pas y passer ses journées. Alors, ouais, des fois, elle aurait aimé avoir un pouvoir un peu moins contraignant, et pouvoir s’entraîner un peu plus. Parce que ça la foutait dans des situations assez chiantes, comme là.

Ses spasmes avaient recommencé, au début, avec juste des clignements incessants des paupières. Et rien que ça, a la saoulait au plus haut point. Alors quand ça descendit jusqu’à ses jambes, alors qu’elle était en train de marcher, Cleo commença à courir vers la première allée recluse qu’elle trouva. C’était loin d’être chic, elle se trouvait près de poubelles d’un restaurant, l’odeur lui rentrait dans le nez et aurait pu lui donner des haut-le-coeur si son pouvoir ne lui prenait pas déjà toute sa tête.

« Fais chier ! » Grogna-t-elle, sûrement un peu trop fort, simplement pour elle-même, alors que ses doigts commençaient à se replier. Elle s’assit contre une des poubelles, ferma ses yeux, commença à respirer fortement. Elle allait réussir à contrôler tout ça, comme elle l’avait déjà fait auparavant, mais il allait sûrement lui falloir quelques minutes.

( Pando )