Onde de choc + LIBRE

Assise en tailleur sur le sol, dans l'herbe des jardins, je joue avec des brins d'herbe. Je m'imagine l'endroit d'après les description de Thomas. J'imagine un large espace vert, percé de grands arbres qui apportent de l'ombre, j'imagine un étang, quelque part au milieu de ce parc, avec des nénuphars, des grenouilles qui chantent et des lézards qui se dorent la pilule au soleil. L'Institut Xavier, lui, je me l'imagine comme un immense château, à l'air ancien, un peu comme le château de Poudlard, dans Harry Potter, mixé avec le Palais de Versailles. Un grand palais doré et blanc, lumineux, magnifique.

Je me doute bien que la réalité est beaucoup moins belle. C'est l'avantage d'être aveugle : on peut reconstruire le monde selon ses goûts, le rendre plus beau. C'est bien le seul et unique avantage à ne rien voir que j'ai pu trouver en 15 ans.

Doucement, en prenant appui sur le mur derrière moi, je me relève. je lance mes ondes devant moi pour repérer un obstacle, et ne détecte rien, aussi je fais un pas en avant.

BOUM !

Je rentre violemment dans quelqu'un, et retombe aussitôt au sol.

Aouch.

Spoiler:

Grace avait passé une matinée de classe fort sympathique. Le cours de sciences avait été très intéressant, et Eliott l’avait interrogée quant elle avait levé la main, ce qui lui avait fait très, très plaisir. Pour ne rien gâcher, ils avaient eu de la truite à la cantine, et la petite fille adorait la truite. Elle avait même pu avoir un délicieux yaourt au chocolat en dessert.

Après le repas, Grace était descendue à la bibliothèque pour se chercher un livre. Elle avait choisi Le Petit Prince, qui était de loin son histoire préférée, et qu’elle relisait sans cesse. Comme le livre était relativement court, et ne lui durerait donc pas bien longtemps, elle avait aussi choisi un gros livre intitulé « La Guerre des Clans – Retour à l’état sauvage » qui, de ce qu’elle avait compris, racontait l’histoire d’un chat domestique qui rejoignait un clan de guerriers chats sauvages dans la forêt. Grace adorait lire, surtout quand les livres étaient gros – les histoires étaient souvent beaucoup plus intéressantes.

Armée de son livre, la petite fille prit la direction des jardins. Il y avait un arbre, là-dehors, où elle aimait grimper et se positionner confortablement pour lire.
Le parc était ensoleillé, ombragé seulement par ses arbres robustes et vénérables, et le vent faisait des ridules sur la mare, pas assez fort toutefois pour déranger les grenouilles sur les nénuphars. Pourtant, la fillette ne remarqua rien de tout cela car, comme bien souvent, elle lisait en marchant. Cela lui permettait à la fois de ne pas perdre une miette de son temps de lecture, et de signifier au monde qu’elle n’était pas disponible pour discuter ou jouer, puisqu’elle était en train de lire.

Son pouvoir n’étant pas du tout réceptif à ce genre de choses, Grace, toujours plongée avidement dans sa lecture, ne remarqua absolument pas les ondes qui passèrent loin au-dessus de sa tête d’enfant.
BOUM !
Soudain, elle percuta violemment une personne, ce qui eut pour effet de la faire tomber sur ses fesses. Son livre lui échappa des mains et atterrit droit sur le pied de l’autre personne. La fillette leva les yeux et se trouva face à une femme aux cheveux blonds qui semblait avoir environ l’âge d’Eliott.

- Oh, pardon ! s’exclama Grace de sa petite voix en ramassant son livre. Je suis vraiment désolée, j’ai pas fait exprès…

Le choc m'a fait retomber sur mes fesses. Aie. Et pour ne rien arranger, un objet lourd me tomba sur le pied, m'arrachant un petit cri de douleur. Mmmmmm*rde.

Une petite voix s'éleva alors, s'excusant platement, et je souris.

Ne t'inquiète pas, j'ai vu pire. Tu vas bien toi ? Tu ne t'es pas fait mal ?

D'après sa voix, j'aurais parié sur une petite fille, mais je n'étais pas sûre de moi. Tendant la main derrière moi, j'ai accroché le mur et l'ai utilisé pour me relever.

J'ai sourit à nouveau, demandant d'une voix douce :

Je peux te demander ce qui m'est tombé sur le pied ? C'est un livre ? Je suis curieuse, ai-je ajouté avec un petit rire.

Une fois debout, j'ai renvoyé mes ondes, les concentrant un peu plus bas cette fois. En revenant, elles m'ont indiqué la présence d'une petite demoiselle, d'une dizaines d'années j'aurais dit d'après sa taille.

Je n'avais aucune idée que des enfants aussi jeunes puissent être logés à l'Institut ...

La petite fille frémit au cri de la jeune femme lorsque son livre lui tomba sur le pied, en espérant ne lui avoir rien cassé.
Celle-ci minimisa pourtant sa blessure, préférent demander à Grace comment elle se sentait.

- Ca va. Répondit laconiquement la fillette, en haussant les épaules, sans vraiment lever les yeux, serrant toujours son livre dans ses bras. A ses côtés, la jeune femme se releva avant de reprendre la parole... pour lui demander ce qui lui était tombé sur le pied.

Grace leva alors un regard plein d'interrogation vers la jeune femme, intriguée, ne comprenant pas pourquoi celle-ci n'était pas certaine qu'il s'agissait bien d'un livre. Ses yeux lui semblèrent étrangement fixes, mais cette impression passa rapidement, et la fillette ne fut pas plus avancée.
Elle ouvrit donc les bras pour montrer son livre à son interlocutrice.

- Ca s'appelle La Guerre des Clans. expliqua la petite fille devant le manque de réaction de la jeune femme, avant d'ajouter finalement, C'est une histoire de chats.
Il semblait que l'on ne tirerait pas grand-chose de plus de la petite Grace, ou du moins pas sans sollicitation.

Bon, elle n'a pas l'air bavarde la demoiselle. Mais au moins, elle n'a pas l'air de s'être fait mal, tant mieux.

Je souris encore avant de demander quel est l'objet qui m'est tombé sur le pied, et elle me répond :

Ça s'appelle La Guerre des Clans. C'est une histoire de chats.

Mon sourire s'élargit et je m'exclame :

Ooh, mais je connais ! C'est avec Nuage de Feu, le chat roux qui passe de domestique à sauvage ? J'avais adoré ces livres !

J'aurais bien aimé les finir, d'ailleurs, mais j'étais devenue aveugle entre temps ... Et je ne pouvais pas demander à Thomas ou Zach de me les lire à haute voix, aucun des deux n'aimait lire.

Tu en es à quel passage ?

J'étais sincèrement curieuse. Les aventures de ce petit chat m'avaient énormément manquées, à l'époque ... Si je pouvais me replonger dedans aujourd'hui, je le ferais avec plaisir. Oh, tiens, c'était quelque chose à demander à la bibliothécaire de la médiathèque en braille où je m'étais inscrite en arrivant à l'Institut. C'était un bon roman pour perfectionner ma lecture du braille.

La jeune femme que Grace avait bousculer semblait heureusement aller bien. Elle était soulagée, à la fois de ne pas lui avoir fait mal, et de savoir qu’elle n’aurait pas d’ennuis. Elle se savait sur la liste rouge de suffisamment de surveillants de l’Institut pour ne pas vouloir en plus gérer les retombées de blesser quelqu’un par accident. Elle n’avait encore jamais été punie depuis son arrivée à l’Institut, seulement réprimandée, et craignait la colère du Monstre si quelqu’un s’y risquait.

Grace fut très surprise d’entendre que la dame connaissait le livre qu’elle lisait. D’ordinaire, les adultes lisaient souvent des livres très ennuyeux. Ce n’était pas une question d’images, au contraire – contrairement à Alice du pays des Merveilles, Grace considérait que les meilleurs livres étaient ceux qui prenaient forme et couleur dans l’esprit du lecteur sans la moindre illustration. Mais les adultes lisaient souvent des livres qui manquaient tout simplement d’imagination et d’aventure. La petite fille hocha donc la tête avec enthousiasme en adressant à la jeune femme un petit sourire timide.

Celle-ci lui demanda alors à quel passage elle en était. Grace la jaugea du regard un instant, qui sembla s’étirer en longueur, puis face à sa curiosité visible, elle décida finalement de lui répondre.
- Nuage de Feu vient d’apprendre que c’est Griffe de Tigre qui a tué Plume Rousse… Dit-elle donc, son ton et l’expression de son visage sa déception, sa tristesse, sa colère, et surtout son implication émotionnelle dans l’ouvrage qu’elle dévorait depuis ce matin et, plus précisément, dans la trahison guerrier chat.